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Roche .:. Miroirs
157817
Roche, Serge, Miroirs. Galeries et cabinets de glaces. Paris 1956.
Fermé temporairement
13.-28.11.2024
Description
Roche, Serge,
Miroirs. Galeries et cabinets de glaces. Paris: P. Hartmann, 1956. 315 Seiten mit Abbildungen und Literaturverzeichnis. Kartoniert mit Schutzumschlag. 4to. 1481 g
* Umschlag etwas lichtrandig / gebräunt.
Bestell-Nr.157817
Roche | Kunsthandwerk | Antiquitaeten | Spiegel
Quelle soie aux baumes de temps
Où la Chimère s'exténue
Vaut la torse et native nue
Que, hors de ton miroir, tu tends !
STÉPIIANE MALLARMÉ
Il y a vingt-cinq ans, nous essayions d'établir
un classement des cadres de tableaux (Cadres
français et étrangers). Nous tentons aujour-
d'hui, dans un panorama abondamment illustré
par notre ami Pierre Devinoy, de décrire le miroir à
travers les âges, d'évoquer aussi les galeries et cabi-
nets de glaces des xvlle et xville siècles.
Les deux ouvrarres traitant de bordures, les unes encadrant les tableaux, les autres ornant les
miroirs, semblent se répéter. Mais le cadre, qui est la
« récompense du peintre » comme disait Degas, et dont le rôle est de limiter le tableau où « l'artiste
fixe à jamais le simulacre dont la glace n'est que l'éphémère lieu de passage »1 n'apparaît dans sa forme
libérée du tableau qu'au -XVe siècle. Au contraire, dès sa naissance, vers le XXe s. av. J.-C., le miroir
possède le plus souvent sa bordure et l'on pénètre avec lui dans un monde décoratif entièrement nouveau,
lié au rôle qu'il remplit dans la vie de l'homme.
Le miroir est certainement parmi les plus anciens ustensiles dont se soit servi l'homme qui, curieux
de son reflet, trouvait son vrai visage dans le cristal d'une eau limpide. Narcisse dialoguant avec son image,
fasciné par sa beauté merveilleuse, se précipita dans l'eau dormante de la fontaine et fut métamorphosé
« en la fleur qu'on appelle Narcisse « Amant, il est lui-même l'objet aimé et il est consumé d'un feu qu'il
allume lui-même... » (Ovide.) En s'éprenant de ce prolongement de son être, il donna toute son importance
au miroir et le lia pour toujours à la magie. L'homme, en contemplant le miroir des eaux, chercha à fixer
ce phénomène miraculeux. Pour enregistrer les reflets fugaces les matériaux les plus variés furent utilisés,
et pendant quarante siècles, pour répondre à une préoccupation devenue peu à peu mondiale, artistes
et artisans, tels de parfaits alchimistes, s'incrénièrent à donner au bronze, à l'argent, à l'or, à l'étain, à
l'acier, à la pyrite de fer, à l'obsidienne et au cristal de roche les vertus merveilleuses de la nappe d'eau.
Après ces multiples expériences, c'est à Venise « seule ville au monde qui avait une parfaite connaissance
des eaux et des reflets » (Henri FOCILLON, Vie des formes), ville magique par excellence, que naquirent
comme parmi des songes deux nouvelles techniques qui permirent la réalisation du verre cristallin et de la
glace souillée. Les matériaux étant inventés, il n'y aura plus qu'à imaginer les formes sans cesse renouvelées
des bordures pour que le monde fabuleux du miroir soit créé.
Les écrivains, fidèles à la fable antique, paraissent à chaque époque s'inspirer plus particulièrement
d'un aspect du mythe fameux.
Au Moyen Age, le miroir est un objet gai, on est heureux de s'y regarder ; c'est l'étonnement, la joie
de Narcisse qui se voit pour la première fois :
Miroir cler et resplendissant
Miroir plaisant et resjouissant
Miroir ardent de grand splendeur
Miroir de très bonne grandeur
GILLES CORROZET, 1539.
Au xvrre et xvllle siècles, c'est l'idée de coquetterie, l'idée d'orgueil qui prédominent. Narcisse
s'éprend de lui-même en se regardant dans la fontaine.
Elle est auprès de toi tout œil et toute oreille.
Quand donc elle t'a vue t'occuper si longtemps
A planter sur ta tête un jardin de rubans ;
Quand son Œil curieux admire à ta toilette
L'étalage galant d'un buffet de coquette
Quand dans ton cabinet elle te voit les soirs
Tenir avant le bal un conseil de miroirs,
LOUIS DE SANLECQUE, Satire 111.
Au xrxe et xxe siècles, resurgit la prédiction de Tirésias.
Là-bas près d'un tronc mort une tombe sans larmes
Recèle au lieu d'un corps un rire et des miroirs.
SAINT-POL ROUX.
Je voUs livre le secret des secrets, les miroirs sont les portes par lesquelles la mort va et vient. Ne le dites
à personne. Du reste, regardez-vous toute votre vie dans une glace et voUs verrez la mort travailler comme des
abeilles dans une ruche de verre.
JEAN COCTEAU, Orphée.
Creuzer écrira à propos de l'âme humaine dans sa Symbolique et Mythologie des peuples de l'Antiquité :
« Les âmes d'après les croyances admises par les philosophes existent antérieurement à la naissance terrestre
et sont attirées vers la vie par l'attrait de la volupté ou si l'on veut par Vénus. Elles tournent autour de
la terre comme des papillons autour d'une lumière et une fois qu'elles en ont approché trop près, elles ne
peuvent plus s'en détacher et sont condamnées à la vie, dont elles voient la séduisante image dans le
« miroir mystique », dans ce même miroir où s'était vu Dionysos avant de créer les existences individuelles. »
Mentionnons aussi d'autres légendes : celle, allemande, de « Blanche-Neige et des sept nains » dont
Walt Disney a tiré son dessin animé ; la légende russe de « La Princesse morte et des sept preux » que
Pouchkine évoqua en 1833 dans un poème où figure un miroir parlant. Cette légende a aussi servi de
trame à un dessin animé. Enfin la légende japonaise de Matsuyana Kaganu, où le miroir est considéré
comme « le modèle de l'âme de la femme » de même que l'homme japonais « regarde son épée comme
le miroir de son cœur. »
De vieilles coutumes subsistent encore de nos jours ; en Catalogne et dans le Midi de la France,
le vendredi Saint, ou à l'occasion d'un deuil, on voile les miroirs.
Je vous salue, enfant de mon âme et de l'onde
Cher trésor d'un miroir qui partage le monde.
PAUL VALÉRY, Fragments du Narcisse.
Miroirs. Galeries et cabinets de glaces. Paris: P. Hartmann, 1956. 315 Seiten mit Abbildungen und Literaturverzeichnis. Kartoniert mit Schutzumschlag. 4to. 1481 g
* Umschlag etwas lichtrandig / gebräunt.
Bestell-Nr.157817
Roche | Kunsthandwerk | Antiquitaeten | Spiegel
Quelle soie aux baumes de temps
Où la Chimère s'exténue
Vaut la torse et native nue
Que, hors de ton miroir, tu tends !
STÉPIIANE MALLARMÉ
Il y a vingt-cinq ans, nous essayions d'établir
un classement des cadres de tableaux (Cadres
français et étrangers). Nous tentons aujour-
d'hui, dans un panorama abondamment illustré
par notre ami Pierre Devinoy, de décrire le miroir à
travers les âges, d'évoquer aussi les galeries et cabi-
nets de glaces des xvlle et xville siècles.
Les deux ouvrarres traitant de bordures, les unes encadrant les tableaux, les autres ornant les
miroirs, semblent se répéter. Mais le cadre, qui est la
« récompense du peintre » comme disait Degas, et dont le rôle est de limiter le tableau où « l'artiste
fixe à jamais le simulacre dont la glace n'est que l'éphémère lieu de passage »1 n'apparaît dans sa forme
libérée du tableau qu'au -XVe siècle. Au contraire, dès sa naissance, vers le XXe s. av. J.-C., le miroir
possède le plus souvent sa bordure et l'on pénètre avec lui dans un monde décoratif entièrement nouveau,
lié au rôle qu'il remplit dans la vie de l'homme.
Le miroir est certainement parmi les plus anciens ustensiles dont se soit servi l'homme qui, curieux
de son reflet, trouvait son vrai visage dans le cristal d'une eau limpide. Narcisse dialoguant avec son image,
fasciné par sa beauté merveilleuse, se précipita dans l'eau dormante de la fontaine et fut métamorphosé
« en la fleur qu'on appelle Narcisse « Amant, il est lui-même l'objet aimé et il est consumé d'un feu qu'il
allume lui-même... » (Ovide.) En s'éprenant de ce prolongement de son être, il donna toute son importance
au miroir et le lia pour toujours à la magie. L'homme, en contemplant le miroir des eaux, chercha à fixer
ce phénomène miraculeux. Pour enregistrer les reflets fugaces les matériaux les plus variés furent utilisés,
et pendant quarante siècles, pour répondre à une préoccupation devenue peu à peu mondiale, artistes
et artisans, tels de parfaits alchimistes, s'incrénièrent à donner au bronze, à l'argent, à l'or, à l'étain, à
l'acier, à la pyrite de fer, à l'obsidienne et au cristal de roche les vertus merveilleuses de la nappe d'eau.
Après ces multiples expériences, c'est à Venise « seule ville au monde qui avait une parfaite connaissance
des eaux et des reflets » (Henri FOCILLON, Vie des formes), ville magique par excellence, que naquirent
comme parmi des songes deux nouvelles techniques qui permirent la réalisation du verre cristallin et de la
glace souillée. Les matériaux étant inventés, il n'y aura plus qu'à imaginer les formes sans cesse renouvelées
des bordures pour que le monde fabuleux du miroir soit créé.
Les écrivains, fidèles à la fable antique, paraissent à chaque époque s'inspirer plus particulièrement
d'un aspect du mythe fameux.
Au Moyen Age, le miroir est un objet gai, on est heureux de s'y regarder ; c'est l'étonnement, la joie
de Narcisse qui se voit pour la première fois :
Miroir cler et resplendissant
Miroir plaisant et resjouissant
Miroir ardent de grand splendeur
Miroir de très bonne grandeur
GILLES CORROZET, 1539.
Au xvrre et xvllle siècles, c'est l'idée de coquetterie, l'idée d'orgueil qui prédominent. Narcisse
s'éprend de lui-même en se regardant dans la fontaine.
Elle est auprès de toi tout œil et toute oreille.
Quand donc elle t'a vue t'occuper si longtemps
A planter sur ta tête un jardin de rubans ;
Quand son Œil curieux admire à ta toilette
L'étalage galant d'un buffet de coquette
Quand dans ton cabinet elle te voit les soirs
Tenir avant le bal un conseil de miroirs,
LOUIS DE SANLECQUE, Satire 111.
Au xrxe et xxe siècles, resurgit la prédiction de Tirésias.
Là-bas près d'un tronc mort une tombe sans larmes
Recèle au lieu d'un corps un rire et des miroirs.
SAINT-POL ROUX.
Je voUs livre le secret des secrets, les miroirs sont les portes par lesquelles la mort va et vient. Ne le dites
à personne. Du reste, regardez-vous toute votre vie dans une glace et voUs verrez la mort travailler comme des
abeilles dans une ruche de verre.
JEAN COCTEAU, Orphée.
Creuzer écrira à propos de l'âme humaine dans sa Symbolique et Mythologie des peuples de l'Antiquité :
« Les âmes d'après les croyances admises par les philosophes existent antérieurement à la naissance terrestre
et sont attirées vers la vie par l'attrait de la volupté ou si l'on veut par Vénus. Elles tournent autour de
la terre comme des papillons autour d'une lumière et une fois qu'elles en ont approché trop près, elles ne
peuvent plus s'en détacher et sont condamnées à la vie, dont elles voient la séduisante image dans le
« miroir mystique », dans ce même miroir où s'était vu Dionysos avant de créer les existences individuelles. »
Mentionnons aussi d'autres légendes : celle, allemande, de « Blanche-Neige et des sept nains » dont
Walt Disney a tiré son dessin animé ; la légende russe de « La Princesse morte et des sept preux » que
Pouchkine évoqua en 1833 dans un poème où figure un miroir parlant. Cette légende a aussi servi de
trame à un dessin animé. Enfin la légende japonaise de Matsuyana Kaganu, où le miroir est considéré
comme « le modèle de l'âme de la femme » de même que l'homme japonais « regarde son épée comme
le miroir de son cœur. »
De vieilles coutumes subsistent encore de nos jours ; en Catalogne et dans le Midi de la France,
le vendredi Saint, ou à l'occasion d'un deuil, on voile les miroirs.
Je vous salue, enfant de mon âme et de l'onde
Cher trésor d'un miroir qui partage le monde.
PAUL VALÉRY, Fragments du Narcisse.
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