Burmeister, André u.a.,
Suisse romane. 2e édition. Yonne: Zodiaque, [1967]. 349 Seiten mit zahlreichen Abbildungen auf Tafeln. Leinen mit Schutzumschlag. 910 g
* La nuit des temps; 8
Bestell-Nr.155933
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PRÉFACE
Les limites géographiques et politiques données à cet ouvrage, en enfermant mant l'art roman dans les frontières de la Suisse actuelle, peuvent paraître arbitraires. Elles se justifient pourtant par la situation même de ce qui est aujourd'hui la Suisse. Creuset des idées, des formes, des styles, elle a permis aux apports divers de se confronter, de se fondre et, souvent, de se fortifier.
La Suisse ne formant pas, au début du second millénaire, une entité géographique ou politique, l'art roman qui se développa sur son territoire n'a pas l'unité qu'il a dans d'autres régions; il dépend au contraire de quatre grandes écoles européennes. Au sud, les Grisons, le Tessin et le Valais subiront la forte influence de la Lombardie, surtout pendant les xe et me siècles; à l'ouest, la Bourgogne sera pour toute la Suisse romande la grande source d'inspiration, tandis que l'école de Provence ne pénétrera qu'en quelques points, mais souvent éloignés de la vallée du Rhône, comme à Coire par exemple. La Suisse orientale enfin, recevra des pays rhénans la plupart de ses types architecturaux et décoratifs.
Ces divers apports se rencontreront fatalement en de nombreux points du pays, favorisant des expériences et des réalisations parfois curieuses et souvent intéressantes, accentuées encore par la situation politique et religieuse particulière de la Suisse à cette époque.
Au mouvement féodal, à la puissance variable des seigneurs, à l'indépendance des vallées des Alpes, s'ajoute la division religieuse des diocèses, dont beaucoup englobaient de vastes territoires, situés bien au delà des frontières actuelles de la Suisse. Les évêchés de Coire, Sion et Genève étaient en dehors de ces mêmes frontières.
Cette situation a son importance, l'art d'alors dépendant des diocèses, puis des ordres qui viennent former le troisième réseau superposé de distribution des forces politiques, économiques et artistiques. Cluny et Cîteaux, les Ordres mineurs, plus tard, contribuèrent à leur tour au développement des arts dans tout le pays.
Il importe, enfin, de souligner que la situation politique et surtout religieuse de la Suisse de la Renaissance et de l'époque moderne explique également nos connaissances actuelles de l'art roman. La Réforme et la Contreréforme modifièrent très sensiblement la structure romane du pays en rompant certains équilibres. Les cantons réformés détruisirent une grande partie du mobilier et même de la sculpture des églises romanes dont ils utilisèrent et, partant, entretinrent les bâtiments pour le culte réformé, même là où ils les transformaient en granges à blé, en casernes ou en tout autre édifice utilitaire. Dans les cantons catholiques, par contre, nombre d'églises romanes furent noyées sous les stucs blancs et dorés du baroque, alors que les objets du culte et le mobilier étaient conservés. La Suisse était donc recouverte de réseaux compliqués et superposés; elle subit des influences multiples que les temps modernes ont à leur tour modifiées, supprimant nombre de documents qui manqueront à tout jamais pour écrire l'histoire exacte de la Suisse romane.
L'arbitraire des limites géographiques et du choix des monuments n'est donc pas, en définitive, le fait de l'auteur mais bien celui des siècles.
En dehors de ces facteurs historiques qui font, par exemple, que le clocher bourguignon de l'église de SaintPierredeClages repose sur un choeur lombard, il en est d'autres moins historiques, moins précis peutêtre, qui jouèrent tout de même leur rôle. Il faut certes tenir encore compte de la topographie des régions alpestres, des cols, des vallées isolées, des régions peu peuplées et, naturellement, des matériaux à disposition. Les églises des Grisons, celles de Müstail ou de Zillis, de Rhazüns ou de Disentis desservent une vallée entière, dont les hameaux occupent jusqu'aux dernières pentes ensoleillées.
Régions riches, régions pauvres, vallées sauvages, plaines fertiles, villages terrés au creux de la montagne, villes florissantes, peu importe, les Alpes, en leur coeur comme en leur pourtour, nous auront laissé les fiers monuments qu'éleva une Foi solide et un style vigoureux.
PIERRE BOUFFARD Conservateur en chef du Musée d'Art et d'Histoire à Genève